Mise en scène 
Jean-René Dubulluit
Jeu Frédéric Perrier
Scénographie Gilles Vuissoz 
Création lumières Joël Pochon
Création musicale François Thuillard
Administratrice et chargée de production Hélène Dubulluit
Production La Lune Verte
Pour échapper à une existence misérable,  étriquée, Auxence Ivanovitch Poprichtchine, petit fonctionnaire pauvre  de Saint-Pétersbourg, relégué dans les basses besognes, se réfugie dans  l'illusion. Ne rencontrant aucune barrière dans la solitude, aucune  présence dans cet univers impersonnel, l'illusion grandit et se  substitue peu à peu à la vie réelle. C'est le thème romantique du  divorce entre le rêve et la réalité, mais c'est le moins romantique, le  plus dépouillé, le plus linéaire de tous les récits de Gogol, dont il  est possible qu'il fût tout particulièrement doué pour ce thème, destiné  qu'il était lui-même à sombrer dans la psychose vers la fin de ses  jours. Prémonitoire, « Le Journal d'un Fou » ? Pour le moins troublant,  d'autant que ce texte est le seul que Gogol ait écrit à la première  personne.
Mais ce qu'il donne dans ce « journal » n'est heureusement  pas une analyse scientifique de la maladie mentale, mais bien plutôt une  fascinante divination littéraire. A peine le lyrisme y affleure-t'il  ici et là. Il est d'un dessin très pur et, dans l'analyse des progrès de  la déraison jusqu'à la débâcle mentale effrayante chez cet « enfant  perdu », Gogol y témoigne d'une prescience étonnante pour son temps.
Evocation  purement intuitive dont les images n'ont rien perdu de leur force, « Le  Journal d'un Fou » met en relief par la négative, l'aspect bouffon,  voire monstrueux, des relations humaines telles qu'elles sont codifiées.  
Inutile de gloser sur l'« actualité » de la vision gogolienne à  l'époque où les Tchitchikov des « Ames Mortes » gouvernent toutes les  Russies.
Mais relevons en revanche l'admirable cohérence du soliloque de Poprichtchine et la densité des émotions du personnage qui traduisent et révèlent aujourd'hui encore et plus que jamais, dans une approche universelle, les tourments, les angoisses et les questions fondamentales qui agitent l'âme humaine.
Propos du metteur en scène
De Pouchkine à Block, de Gogol à  Zinoviev, de Tolstoï à Soljenitsyne - entre autres -, mes pérégrinations  de lectures sont imprégnées de la littérature russe. Jeune, elle ne  revêt qu'assez peu d'intérêt avant le XIXe siècle. Puis, survint  l'insouciant Pouchkine qui dépeint tout l'espace russe avec une  virtuosité sans appel.  Gogol est fondamentalement marqué et inspiré par  Pouchkine et son oeuvre révèle en force l'univers russe.
La  littérature russe se nourrit constamment de ses multiples paysages  diversifiés, de ses steppes, de ses mornes plaines baignées de neiges,  de brumes, de froidure. La plupart des auteurs russes puisent la sève de  leur écriture dans les racines de leur terre. Ils sont chantres des  forces souterraines, des révoltes et du courage qui gisent dans les  profondeurs des paysages, en apparence mornes et quelquefois mièvres  dans leur version "tourguenievienne". Sources enfouies dans les méandres  du passé tsariste qui jaillissent explosives en prophéties lucides et  prémonitoires, se mêlant à la foule errante des mystiques insatisfaits.  Et rares sont les auteurs qui ne fuient pas le réel pour accéder au  surréel des fins de l'homme et du monde. Viscéralement sédentaire, la  littérature russe n'en finit pas de célébrer la beauté des espaces où,  même les neiges sont sources de grandeur ouverte à l'extase. Or, le  nomadisme, hormis Pouchkine et Pasternak qui n'ont jamais été autorisés à  quitter leur patrie, a toujours été une constante de la littérature et  de la culture russes. De désespoir en polémiques, voire en procès,  internements ou bannissements, rebondit la slavophilie en aspiration  d'occidentalisme.  Les sédentaires se heurtent aux nomades, les  assoiffés croisent les rassasiés. D'aucuns dénoncent le nomadisme fatal  culturel russe, d'autres en appellent à une création nouvelle qui  n'emmure pas.
"Fuir et revenir", le dilemme est total, le divorce  intérieur est constant. Cependant, la dichotomie s'estompe dans la  richesse de la langue qui nourrit toute la littérature d'un peuple dont  l'histoire - du tsarisme au communisme - est nourrie de constantes de  drames, tissage de douleurs inéluctables. Cette langue, d'une infinie  richesse, à la musicalité antique, d'une souplesse incomparable, est  héritière du slave byzantin et de la rudesse russe.
L'adaptation du Journal d'un fou
C'est en tenant compte de ces données  fondamentales et formelles que j'ai entrepris une nouvelle adaptation du  « Journal d'un Fou » de Nicolaï Gogol, avec détermination à remettre en  scène un texte fondateur qui s'inscrit aujourd'hui encore dans  l'actualité et reflète la tourmente de l'âme humaine. 
Pour  l'interprétation, mon choix s'est porté sur un jeune comédien valaisan  dont j'ai vu plusieurs prestations. Cela dit, pour lui, la démarche  théâtrale est enivrante et le défi de taille puisqu'il faut tenir seul  et sans artifice la durée de la représentation, et cela sans tomber dans  les travers de la performance, mais bien plutôt en permettant au public  de franchir un quatrième mur et de surprendre un secret. Dès lors et  surtout, il importe de ne pas vouloir paraître, mais au contraire de  savoir peindre le quotidien, dans la sobriété, sans vouloir jeter des  sorts aux mots, ni vouloir appuyer les intentions d'un texte dont la  force et l'intensité dramatiques sont évidentes.
 
 
	        	         
	        	         
	        	         
	        	         
	        	         
	        	        